Marque Skechers : origine et fabrication expliquées

Jeune femme en jeans et sweat nouant ses sneakers en ville

En 2020, plusieurs grandes marques de chaussures ont été épinglées pour des liens présumés avec le travail forcé des Ouïghours en Chine. Contrairement à certaines enseignes qui ont annoncé des mesures correctives ou des ruptures de contrats, Skechers a choisi de maintenir ses partenariats avec certaines usines chinoises, tout en affirmant respecter les normes internationales du travail.

Cette position a soulevé des interrogations sur la traçabilité de la chaîne d’approvisionnement de Skechers et sur la réalité des audits menés dans les usines partenaires. Les déclarations officielles de l’entreprise s’opposent à des enquêtes indépendantes signalant des risques persistants dans la filière.

Skechers : une marque mondiale au parcours singulier

L’aventure Skechers commence par un pari familial et californien. En 1992, à Manhattan Beach, Robert Greenberg, déjà à l’origine de LA Gear, lance avec son fils Michael une nouvelle marque, bien décidée à occuper un terrain délaissé par les géants du secteur : la chaussure urbaine, confortable, abordable. Les premiers pas, c’est la distribution de Doc Martens, Cross Colours ou Karl Kani. Mais très vite, la marque façonne ses propres modèles, multiplie les collections et s’impose sur le marché américain.

La croissance prend de l’ampleur : Skechers devient la troisième marque de chaussures aux États-Unis, puis exporte son savoir-faire dans 180 pays et ouvre plus de 5 300 magasins. Derrière ce succès, une obsession affichée : le confort. La mousse Memory Foam devient la signature des collections. Côté communication, la marque s’entoure de visages connus : Britney Spears, Kim Kardashian, ou des collaborations inattendues avec Goodyear ou Dr. Seuss, renforçant son image pop et accessible.

L’organisation interne se veut souple et réactive : vingt-deux divisions structurent l’offre, du sport au golf, en passant par la famille ou la performance technique. Son objectif : proposer des chaussures confortables et des vêtements innovants sans faire exploser le prix. Cotée à New York, l’entreprise affiche plus de 9 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2025, après des années de croissance continue.

Coulisses moins reluisantes : la marque s’est souvent retrouvée au centre de batailles juridiques avec Nike, Adidas, Reebok ou Converse, notamment pour des histoires de contrefaçon ou de propriété intellectuelle. L’épisode Shape Ups, marqué par une amende de 40 millions de dollars pour publicité mensongère, n’a pas freiné l’élan de Skechers, qui continue de s’adapter et de s’étendre. Dernier rebondissement en date : le rachat par le fonds 3G Capital, dirigé par Jorge Paulo Lemann, pour près de 9 milliards de dollars, ajoutant une nouvelle dimension à cette saga industrielle.

Où et comment sont fabriquées les chaussures Skechers ?

Le décor californien de Skechers dissimule une organisation industrielle à l’échelle de l’Asie. Derrière les vitrines occidentales, c’est en Chine que la production principale s’opère, notamment dans les zones industrielles de Shenzhen et Guangzhou. Vietnam et Indonésie complètent ce dispositif : l’assemblage et la finition y sont centralisés. Aucun site détenu en propre : la marque construit son offre avec un réseau de partenaires, experts de la chaussure technique ou du cuir haut de gamme.

Pour comprendre le processus de fabrication, il faut suivre chaque étape : les semelles, élément phare, sont injectées et moulées, puis associées à des tiges réalisées dans des matériaux divers, textile, synthétique, cuir. Semelles intérieures, empeignes, lacets : tout passe par une suite de contrôles, automatisés ou réalisés à la main, pour garantir une qualité régulière sur des volumes massifs. La cadence s’intensifie selon les gammes : running, sport, casual, golf, chacune avec ses propres exigences.

Pour clarifier la répartition du travail selon les pays, voici où chaque étape se joue :

Pays Rôle dans la fabrication
Chine Production principale, injection des semelles, montage
Vietnam Assemblage, finition, contrôle qualité
Indonésie Assemblage, finitions spécialisées, préparation à l’expédition

Les modèles phares, D’lites, Energy, Shape Ups, Slip-Ins Ultra Flex, Arch Fit, bénéficient tous de ces procédés calibrés. À chaque saison, la marque ajuste ses recettes : nouvelle mousse, cuir assoupli, semelle revisitée. La promesse « The Comfort Technology Company » s’applique jusqu’à la logistique. Après la production, chaque article traverse l’Asie en cargo avant de rejoindre les plateformes d’expédition en Europe ou aux États-Unis. Avant d’atteindre les étals, une paire de Skechers aura franchi de nombreux maillons, et continents.

Considérations sur les allégations de travail forcé des Ouïghours : que disent les faits ?

Le débat autour de la production de chaussures en Chine ne faiblit pas, d’autant que Skechers concentre une part majeure de sa fabrication dans ce pays. La région du Xinjiang, où vit la population ouïghoure, cristallise les soupçons de travail forcé dans les industries textile et de la chaussure.

Jusqu’à présent, aucune procédure judiciaire n’a directement visé Skechers. La marque, consciente de l’enjeu, communique régulièrement sur ses audits et le contrôle de ses partenaires, affichant publiquement une politique de tolérance zéro pour le travail forcé. Mais la réalité du terrain est bien plus complexe. La chaîne d’approvisionnement est vaste, segmentée, parfois opaque. Difficile d’obtenir une traçabilité totale au sein d’une filière chinoise largement organisée autour de cascades de sous-traitants.

Certaines analyses indépendantes rappellent à quel point il est ardu de garantir que chaque étape respecte les standards sociaux affichés. Un produit éthique, sur le papier, peut cacher d’autres réalités. Skechers, à l’instar de Nike ou Adidas, fait face à la même question systémique : comment obtenir des garanties quand la fabrication s’étale sur plusieurs continents et que les intermédiaires se multiplient ?

Face à ces incertitudes, la demande de transparence s’accroît : consommateurs, médias, acteurs politiques réclament des preuves et des engagements concrets. Le sujet devient omniprésent, la vigilance s’impose, mais l’opacité persiste. La chaîne de production mondiale ressemble à une ligne de partage où l’éthique et la rentabilité se frôlent sans se confondre.

Artisan en overalls inspectant une sneaker dans l

Consommer Skechers en connaissance de cause : enjeux éthiques et pistes de réflexion

Présente dans près de 180 pays et forte de ses 5 300 magasins, Skechers vient d’entrer dans le giron du fonds 3G Capital pour 9 milliards de dollars. Jorge Paulo Lemann, figure de la finance internationale derrière Burger King ou Kraft, pilote désormais la stratégie du groupe. L’objectif reste identique : offrir du confort technologique à un prix accessible, tout en misant sur l’innovation continue et un marketing efficace. La technologie Memory Foam, devenue emblématique, s’invite dans une gamme segmentée où chaque usage trouve chaussure à son pied.

Derrière l’offre séduisante, la réalité de la production interpelle. Les usines partenaires, principalement en Chine, Vietnam et Indonésie, soulèvent la question du respect des droits humains. La marque assure effectuer des audits réguliers, mais sans fournir de rapports détaillés au grand public. Les clients attentifs examinent désormais la provenance des matériaux, la politique de retour, la gestion des litiges ou encore la transparence des pratiques sociales.

Choisir Skechers, c’est donc composer avec plusieurs critères : le confort, le prix, et la prise en compte des enjeux éthiques. Cela implique de s’informer, de comparer, de rester attentif à la réputation de la marque, notamment à travers ses affrontements judiciaires avec Nike, Adidas ou Reebok, ou les sanctions pour publicité trompeuse autour des Shape Ups.

Le secteur se transforme. Les attentes en matière de transparence grandissent. Chaque étape, de la fabrication à la vente, porte désormais ce questionnement : la chaussure qui habille nos pas, d’où vient-elle vraiment ? La prochaine fois que vos pieds glisseront dans une paire de Skechers, la question restera suspendue, entre confort assumé et exigences nouvelles du consommateur moderne.